DSK : pourquoi les Français plébiscitent la théorie du complot ?Leplus.nouvelobs.com le 23-05-11 à 20:09
L'affaire DSK n'a pas fini de passionner les Français, la plupart
d'entre eux imaginant pouvoir découvrir ce que seul l'ex directeur du
FMI et sa victime présumée peuvent à ce jour savoir... De quoi alimenter
chez certain la théorie du complot. La faute à l'époque et... à Yann
Barthes.
Sélectionné et édité par [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] D'après un sondage CSA pour BFM TV, RMC et 20 Minutes,
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] fomenté à l'égard du directeur général du FMI. 32% seulement pensent
qu'il n'y a pas de complot et 11% ne se prononcent pas. Chez les
sympathisants socialistes, plus de 70% des sondés accréditent la théorie
du complot ! Un sondage surprenant tant le martèlement médiatique à
propos de cette "affaire DSK" rend plus qu'improbable la véracité de
quelque théorie conspirationniste.
De plus, la relation ambïgue entretenue par DSK avec les femmes est
connue des français, l'ex ministre de l'économie n'en étant pas à son
premier coup d'essai : sa relation en 2008 avec une jeune hongroise
Piroska Nagy avait manqué de lui coûter son poste à la tête du FMI. En 2007, également, l'auteure
Tristane Banon avait raconté sur le plateau de
Thierry Ardisson comment Dominique Strauss-Kahn avait tenté de la violer mais avait
finalement refusé de porter plainte. Dès lors, comment expliquer un tel
plebiscite pour la théorie du complot ?
"DSK bénéficie d'une certaine compassion" En premier lieu, malgré l'atrocité des actes qu'aurait commis
Dominique Strauss-Kahn, l'opinion éprouve une certaine compassion pour
ce Français, héros expatrié aux Etats-Unis pour devenir une figure
internationale. C'est un français, une personnalité connue et reconnue,
et quels que soient les actes commis, on éprouve de la compassion pour
ce séxagénaire ménotté.
Qu'un homme du pays soit jugé, emprisonné aux Etats-Unis, à plus de
six mille kilomètres d'écart de la métropole, amplifie ce sentiment de
pitié éprouvé pour DSK. L'idée qu'un français soit retenu à l'étranger
nous est désagréable et dès lors, on se refuse à incriminer DSK.
Mais ce sentiment de compassion ne peut pas expliquer à lui seul les
résultats du sondage CSA, l'opinion ne saurait expier de toute faute un
être, aussi cher lui soit-il. D'ailleurs, les français ne sont-il pas
friands de lynchage médiatique ? Derrière notre humanité toute relative,
la bête qui se maintient en nous n'est elle pas avide de scandales,
d'hommes abattus par de virulentes campagnes de presse ? Salengro et
Bérégovoy pourront en témoigner.
"L'ère du soupçon" Non, si la théorie du compot suscite tant l'approbation des français,
c'est surtout une question d'époque. Récemment, les révélations
fournies par WikiLeaks et son fondateur
Julian Assange, élu homme de l'année par
Le Monde,
ont révélé un certain nombre d'informations dissimulées par les
autorités. Les dessous de la vie diplomatique sont devenus publics,
dévoilant au grand jour les cachotteries et mensonges de nos chefs
d'états. WikiLeaks a accru le manque de confiance de la population vis à
vis du pouvoir. Il n'est donc pas anormal que l'opinion s'interroge,
conteste la version officielle. Au risque d'évoluer dans l'ère du
soupçon permanent.
De plus, l'avènement d'Internet a favorisé comme jamais l'explosion
des voies d'expression. Dès lors, grâce aux réseaux sociaux, aux blogs
et aux sites participatifs, toute information donnée par les médias est
amenée à être critiquée, relativisée, vérifiée détournée. La
contestation des différentes formes de pouvoir s'est amplifiée car sur
Internet, TOUT est sujet à contestation. L'opinion n'est donc plus dupe,
elle cultive une certaine méfiance à l'égard de ce qui est rapporté
dans la presse.
"Génération Yann Barthès" Enfin, cette ère du soupçon où les citoyens évoluent dans une
perpétuelle remise en cause des pouvoirs est favorisée par le boom des
émissions satiriques et la large audience qu'elles touchent à l'image du
Petit Journal ou des Guignols de l'info. Pour un certain nombre de
jeunes (et de moins jeunes d'ailleurs), Yann Barthès est leur seul
contact avec la politique.
Or, le Petit Journal a pour vocation d'être une émission "satirique"
de la communication politique. Elle ne prétend pas avoir quelque
crédibilité en matière politique. Car sur le plateau de Petit Journal,
l'ironie, le détournement et la critique, sont des valeurs phares. Le
discours de Yann Barthès envenime dès lors le regard porté par nombre de
citoyens sur la politique, qui se résume à la moquerie de la classe
dirigeante...et de la classe médiatique, qui en prend également pour son
grade.
Auparavant, il était interdit, inconcevable de s'attaquer au pouvoir.
Les Guignols de l'info au temps de Charles de Gaulle, c'est un
invraisemblable anachronisme. Aujourd'hui, il est interdit, inconcevable
de s'attaquer aux contre-pouvoirs ! Personne n'oserait contester la
légitimité du Petit Journal de Yann Barthès. Dès lors, le pouvoir des
émissions satiriques est décuplé. Conséquence directe : la confiance en
la classe politique s'érode, leur sérieux et leur sincérité est
constamment remise en cause. Pas étonnant alors que tout soit remis en
cause par les citoyens...